Cours

Tableaux de la mythologie gréco-romaine

Giambattista Tiepolo : Apollon et Daphné





Références : huile sur toile - 96 cm x 79 cm - Paris, musée du Louvre - RF 2107
Analyse de Louvre.edu

Texte de Hélène Casanova-Robin © 2008 - 2012 louvre.edu - Tous droits réservés.

Comprendre et interpréter
Apollon s'apprête à saisir Daphné tandis que la jeune fille lui échappe grâce à la métamorphose amorcée. La phase ultime du récit ovidien est illustrée par Tiepolo sur le mode ludique : les deux protagonistes ont une apparence très juvénile et le dieu, non sans une naïveté assez marquée, manifeste sans détour sa surprise devant les feuilles de laurier qui prolongent les doigts de son aimée. Fidèle au poème d'Ovide, Tiepolo ne manque pas d'évoquer aussi la responsabilité de Cupidon dans la relation entre les deux personnages : le poète avait initié son récit par la mention du geste du jeune dieu qui blessa simultanément le dieu solaire et la nymphe, de deux flèches antagonistes. Le peintre montre ici l'aide malicieuse du jeune dieu incarné par un  putto potelé et joufflu, qui s'est introduit sous les jupes de Daphné pour tenter de retenir la nymphe en maintenant sa cuisse.

Regarder et lire

L'artiste, à l'instar d'Ovide, a figé par son illustration l'instant éphémère de l'effleurement physique qu'interrompt la transformation de la nymphe.
Cette sensualité est manifeste dans la représentation de Daphné, dont les membres et le buste dénudés rappellent la course effrénée. Ses cheveux d'or encadrent sans apprêt son visage virginal.
Son vêtement désordonné traduit l'effort pour se dégager de l'étreinte divine ; elle est semblable à une proie. Son regard, lointain, exprime la prière désespérée adressée à son père.
Ce dernier est conforme à l'image traditionnelle d'un fleuve : vieillard barbu et chevelu, appuyé sur une urne suggérant l'eau courante. Sa posture horizontale, soulignée par la rame entre ses mains, traduit son opposition à Apollon, inscrit dans la verticalité, dont il contrarie le projet par la métamorphose de Daphné. Sur son ordre, les rameaux de laurier prolongent les doigts de Daphné.

 


Mythologie et classicisme


Un paysage constitue l'arrière-plan sur lequel se déroule une scène mythologique, tirée des Métamorphoses d'Ovide (I, 452-567). Daphné cherche à échapper à Apollon qui lui voue une passion fougueuse. Tiepolo montre simultanément la fin de la course d'Apollon et la transformation de la nymphe en laurier.
Blonde, presque nue, elle s'enfuit dans un envol de draperies. Ses doigts se transforment en branche de laurier.
Apollon, le corps nu, chaussé de sandales à l'antique, un carquois et un manteau cramoisi voltigeant au vent, la saisit de sa main gauche tendue, surpris de la métamorphose.
Au premier plan, appuyé sur une urne et tenant une rame, le fleuve Alphée (Pénée) tente de mettre fin à l'escapade de la jeune fille. Les physionomies épanouies s'apparentent à celles peintes par des contemporains français, ce qui reste original chez cet artiste profondément vénitien.


La métamorphose de Daphné

Les drapés jaune et rouge lumineux forment un violent contraste avec l'arrière-plan d'un bleu profond. La composition montre une intrusion imminente des acteurs dans l'espace du spectateur mais n'empêche pas Daphné de se fondre dans le paysage. En effet, la nymphe est placée juste en-dessous d'un arbre qui, tout en la protégeant comme un chapeau, évoque également la transformation de l'être humain en espèce végétale. La scène prend place devant un paysage idyllique. Au fond sur l'autre rive, s'étend un bois mêlé de pins parasols. À gauche, des maisons au pied de hautes montagnes bleuâtres se profilent sur les lueurs roses du couchant. Ce goût de l'ornementation de pure fantaisie reste un souvenir vénitien.


Tiepolo s'est très certainement inspiré du groupe sculpté sur le même thème par Le Bernin en 1622-1624 (Rome, Galerie Borghèse), dont il eut connaissance par une gravure. L'œuvre apparaît comme la transposition colorée du prestigieux modèle du sculpteur baroque.
































Le tableau fut peint durant la décennie la plus productive de toute la carrière du peintre. Nourri de la tradition artistique vénitienne issue de la Renaissance, Tiepolo a peint la plupart des grands thèmes mythologiques.

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