Observer et savoir : le contexte de la découverte et la conservation de l'œuvre
1.Les Noces Aldobrandines est une peinture à fresque, datant du règne d'Auguste, qui fut découverte à Rome en 1601, près de l'église Sainte Marie-Majeure, là où étaient jadis les jardins de Mécène.
2. Cette peinture, acquise d'abord par le cardinal Aldobrandini, vendue ensuite par les Borghèse, se trouve aujourd'hui au Musée du Vatican.
3. Elle forme un groupe de 70 figures et représente des noces (nuptiae), c-à-d. un mariage romain traditionnel (veille, soirée, lendemain).
4. Selon l'archéologue Winckelmann, ce sont celles de Thétis et de Pélée mais selon l'historien Bondi, qui se référait au célèbre poème de Catulle (qui lui-même décrivait une célèbre tapisserie), cette fresque illustrerait les noces de Manlius et de Julia.
5. Quoi qu'il en soit, ces Noces constituent un document iconographique unique sur la vie quotidienne d'une matrone romaine au temps de l'Empire.
Description de la scène la plus célèbre de cette fresque
1. La mère de la mariée prépare avec ses esclaves le bain prénuptial.
2. Vénus prépare des parfums pour la mariée.
3. Une matrone déjà mariée, la pronuba, réconforte la mariée encore voilée.
4. La jeune épousée est enveloppée du flammeum, le voile nuptial, qui devait être d'un jaune foncé -mais était parfois blanc et brillant, de dimensions considérables, suffisantes pour couvrir toute la personne de la tête aux pieds.
5. Au pied du lit nuptial, Bacchus, dieu de la cérémonie festive, dans le rôle du jeune époux, attend son épouse.
6. Lendemain de noces : la jeune matrone entretient le feu sacré de la maisonnée.
7. Une cantatrice et une musicienne célèbrent la cérémonie du lendemain des noces.
Ut pictura poiesis
Cette évocation du mariage peut être mise en correspondance avec le poème 61 (Épithalame de Julia et Manlius) et le poème 64 (noces de Thétis et de Pélée) de Catulle.
Les 2 poèmes de Catulle qui vécut presque à cette même époque développaient un thème similaire ; or, la célébrité de ce jeune poète plein de génie - qui avait fait connaître à Rome les poètes grecs alexandrins dits "tout nouveaux" (néoteroi) - fut telle que l'on peut supposer que le peintre reprit ce thème pour le mettre en image.
Le long poème 64 de Catulle, qui décrit les Noces de Thétis et de Pélée, imitait certainement lui-même un tableau fort connu de l'époque alexandrine qui lui-même s'inspirait d'une série de tapisseries célèbres (procédé littéraire de l'ekphrasis).
Extrait du poème 64, Catulle (traduction d'Héguin de Guerle (1862) )
Jadis les pins antiques, nés sur le sommet du Pélion, traversant l'empire de Neptune, parvinrent, dit-on, jusqu'aux rives du Phase, jusqu'aux frontières lointaines du royaume de Colchos ; lorsqu'une foule de héros, l'élite de la jeunesse argienne, méditant la conquête de la toison d'or, osa, sur un rapide esquif, parcourir l'onde amère, et fit gémir les flots sous l'agile aviron. La déesse, protectrice des hautes citadelles, courbant de sa propre main les ais flexibles des pins entrelacés, construisit ce char ailé qu'un léger souffle fit voler sur les ondes, et qui, le premier, effleura le sein vierge encore d'Amphitrite. A peine la proue recourbée eut sillonné la plaine orageuse ; à peine, déchirée par les rames, l'onde se couvrit d'une blanche écume, que du gouffre bouillonnant on vit sortir les Néréides, admirant d'un oeil étonné ce prodige flottant. Ce fut la seule fois que des yeux mortels purent contempler à loisir les charmes nus des Nymphes de la mer, dont la gorge d'albâtre s'élevait au-dessus des flots.
Alors Pélée s'enflamma d'amour pour Thétis ; alors Thétis ne dédaigna plus les feux d'un mortel ; alors le père de cette déesse, Nérée lui-même, consentit à unir Thétis à Pélée.
Telles étaient les figures diverses représentées sur les tapisseries magnifiques dont les contours embrassaient le lit de Thétis. Après les avoir longtemps contemplées d'un regard curieux, les jeunes thessaliens s'éloignèrent peu à peu des divins époux. Comme au lever de l'aurore, quand l'astre du jour ne répand encore qu'une vague clarté, on voit le souffle matinal du Zéphyr rider la surface unie des flots ; d'abord, mollement agitée par sa douce haleine, l'onde se déroule lentement, et ne fait entendre qu'un léger gazouillement ; mais bientôt le vent augmente, les vagues s'enflent de plus en plus, et réfléchissent, en s'éloignant, les teintes pourprées qui les colorent : telle, cette foule immense s'éloigne du royal péristyle, et, regagnant ses demeures, se disperse de tous côtés. |